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Améliorer la façon dont vous apprenez en équipe

Publié le , 8 minutes

Les équipes sont l’un des vecteurs les plus importants de performance et d’innovation dans une organisation. Et pourtant, les équipes et les organisations ne sont pas toujours conscientes de la façon dont l’apprentissage se produit : ils comprennent mal ce qu’est l’apprentissage et comment le réaliser.

En 1990, Peter M. Senge a écrit :

“L’apprentissage en équipe est vital car les équipes, et non les individus, sont l’unité d’apprentissage fondamentale dans les organisations modernes. C’est là que “le caoutchouc rencontre la route” ; à moins que les équipes ne puissent apprendre, l’organisation ne peut pas apprendre.”

Les organisations peuvent apprendre à résoudre le dilemme de l’apprentissage. Ce qu’il faut, c’est d’enseigner aux gens comment raisonner, remettre en question leur comportement et briser les défenses qui bloquent l’apprentissage.

L’apprentissage en boucle unique (ou apprentissage simple)

80 % de l’apprentissage que nous vivons dans notre vie est un apprentissage simple. C’est le développement d’une compétence basée sur l’essai et l’erreur : nous faisons quelque chose et modifions nos actions en fonction du résultat. Par exemple, lorsque vous apprenez à faire du vélo, vous essayez de pédaler et de garder l’équilibre, et vous vous ajustez en fonction du résultat.

De ce fait la plupart des gens définissent trop étroitement l’apprentissage comme une simple « résolution de problèmes », ils se concentrent donc sur l’identification et la correction des erreurs au sein de leur environnement.

C’est ainsi que l’apprentissage en boucle unique (le Single Loop Learning) se concentre sur la résolution d’un problème au sein d’un système existant défini par des ensembles de croyances, de structures, de rôles, de procédures et de normes.

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Résoudre les problèmes est important mais, pour que l’apprentissage perdure, les managers et les équipes doivent aussi se tourner vers l’intérieur. Ils doivent réfléchir de manière critique à leur propre comportement, identifier les façons dont ils contribuent souvent par inadvertance aux problèmes de l’organisation, puis changer leur façon d’agir. En particulier, ils doivent apprendre comment la façon dont ils s’y prennent pour définir et résoudre les problèmes peut être une source de problèmes à part entière.

Apprentissage en double boucle

L’apprentissage en double boucle quant à lui défie le système lui-même. D’un niveau supérieur de complexité, il oblige à se questionner sur la représentation de la situation de façon à remettre en question les règles, les usages, les stratégies voire même les valeurs. Ainsi cette forme d’apprentissage en en double boucle (le Double Loop Learning) se produit lorsque vous essayez de voir la situation sous un autre angle. Il consiste à modifier les process, les normes, les objectifs ou la stratégie ainsi mettre en place de nouvelles règles, de nouveaux types d’actions et d’expériences qui semblaient auparavant impossibles.

Pour résumer, dans le cas de “boucle unique” on tire parti de l’expérience pour améliorer la manière dont on atteint des buts inchangés. Dans le cas de “boucle double” l’expérience amène à remettre en cause la stratégie et les fondamentaux de l’organisation.

Les équipes affectées par le “Zombie Scrum” ont tendance à se limiter à l’apprentissage en boucle simple et ne peuvent pas bénéficier de l’apprentissage en double boucle car leurs croyances existantes sur la gestion, les produits, la gestion des personnes et la gestion des risques restent incontestées.

Bien que les deux types d’apprentissage soient importants pour que l’amélioration continue se produise, l’apprentissage en double boucle est important en particulier pour les travaux complexes où les équipes doivent constamment remettre en question non seulement comment elles font le travail, mais aussi pourquoi.

Les principaux freins à l’utilisation du Double Loop Learning

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Le déni et la peur de l’échec

Le principal frein à l’utilisation du Double Loop Learning en particulier dans des populations de professionnels est la capacité incroyable de l’être humain au déni. Nous avons besoin d’assumer notre incompétence, notre échec et nous détestons faire ça.

Ainsi, les individus développent des comportements défensifs et régulièrement lors d’un échec ou en cas d’erreurs, éliminent les critiques et nient leur part de responsabilité. En bref, leur capacité d’apprentissage s’arrête précisément au moment où ils en ont le plus besoin.

De plus, quand ces erreurs ne sont pas acceptées, elles se retrouvent souvent masquées afin probablement d’enterrer un mal être comme le stress, la honte ou la perte de confiance en soi-même. En effet, les individus ont tendance à cacher leurs erreurs, à camoufler la trace de ce qu’ils pensent être un manque de savoir-faire, au lieu de s’en servir pour s’améliorer.

La peur du conflit

Il peut arriver aussi que les membres de l’équipe ne se sentent pas à l’aise pour mettre en lumière les problèmes. Dans une équipe qui évite d’aborder les sujets qui fâchent, beaucoup de ressentiments et de frustrations peuvent apparaître. C’est dans ces cas-là qu’au final l’équipe n’avance pas.

Cela peut sembler surprenant mais le conflit (bienveillant) est sain au sein d’une équipe. Une équipe qui débat les sujets importants crève les abcès et les pensées et opinions de chacun sont exprimées. L’équipe peut alors envisager de trouver des solutions aux problématiques qu’elle rencontre.

Les problèmes semblent trop importants pour être résolus

La résolution de problèmes liés l’environnement de l’équipe, aux process de l’organisation peut parfois faire peur et l’équipe ne sait pas par où commencer.

Au lieu de remettre en question le statu quo, l’équipe accepte que certaines choses ne changent jamais dans leur organisation. Ainsi, personne n’ose creuser profondément la cause du problème pour trouver une solution. Les problèmes difficiles qui comptent vraiment sont ignorés et restent incontestés, et seuls les problèmes “faciles” sont abordés.

L’importance excessive accordée au contrôle

Il existe un style de management où le manager contrôle étroitement le travail de son équipe : Le micro-management. Il se caractérise par la posture du manager qui cherche à tout observer, vérifier, et contrôler. C’est une forme de contrôle excessive, sans leadership, qui empêche l’équipe de se d’apprendre et de se développer.

Il convient de noter que de telles intentions ne sont pas toujours mauvaises et que le contrôle peut prévenir certaines erreurs ponctuelles.

En revanche, exiger systématiquement d’être en copie de chaque mail envoyé, organiser des réunions à outrance et vouloir valider systématiquement le moindre détail d’un travail peut laisser entendre un manque de confiance envers l’équipe, ce qui a un impact très négatif sur le long terme. Cela affecte le bien-être des membres de l’équipe et l’ambiance générale, peut créer des situations anxiogènes, décourager et empêcher la responsabilisation et donc l’apprentissage de l’équipe.

L’état d’esprit fixe (Fixed mindset)

Un état d’esprit fixe (« Fixed Mindset ») désigne la croyance du caractère immuable des caractéristiques individuelles : l’équipe pense que ses qualités, son intelligence, ses compétences ou ses talents, sont simplement des traits fixes, qu’ils ne peuvent changer et sont gravés une fois pour toutes. Cela peut conduire à une certaine résignation de la part de l’équipe, qui peut avoir tendance à se limiter et à éviter les défis qui pourraient remettre en cause leur vision d’eux-mêmes.

Cependant, l’état d’esprit de développement (« Growth Mindset ») quant à lui désigne une croyance selon laquelle nos qualités et notre intelligence peuvent évoluer et être cultivées par nos efforts et par une démarche d’apprentissage continu. En adoptant cette vision, l’équipe est encouragée à sortir de sa zone de confort et à relever des défis qui la feront grandir, plutôt que de se limiter à ses compétences actuelles. Cet état d’esprit conduit pour une équipe à considérer les défauts et les erreurs comme des opportunités de croissance, et, dans le cadre du processus d’apprentissage, à accepter l’échec : la résilience en somme.

En cultivant un état d’esprit de développement, l’équipe peut s’ouvrir à de nouvelles perspectives et possibilités, et ainsi développer de nouvelles compétences et capacités. Elle comprend que son passé ne définit pas son avenir, car elle croit qu’elle peut changer, apprendre et développer ses compétences et ses capacités. Adopter cet état d’esprit peut également renforcer la confiance en soi de l’équipe, en lui donnant la motivation nécessaire pour persévérer dans les moments difficiles et atteindre ses objectifs à long terme.

Comment rendre l’apprentissage en double boucle possible ?

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Vous devez créer une culture qui récompense la critique, la prise de risques et la réflexion sur le système dans son ensemble et les raisons pour lesquelles l’organisation fait ce qu’elle fait. C’est une chose de dire aux employés de s’exprimer et de donner leur avis, c’en est une autre d’avoir des systèmes en place qui permettent aux employés de se sentir suffisamment en sécurité pour le faire.

La sécurité psychologique

Afin d’avoir les conversations qui comptent et de rendre possible l’apprentissage en profondeur, il est crucial d’avoir un degré élevé de sécurité psychologique.

La sécurité psychologique est “une croyance partagée sur les conséquences de la prise de risques interpersonnels” et l’un des facteurs les plus importants pour la réussite des équipes car c’est ce qui permet aux équipes d’aborder des sujets difficiles. Ça ne consiste pas à toujours être d’accord les uns avec les autres ou à faire des compliments tout le temps mais il s’agit bien plus d’encourager les gens à s’exprimer lorsqu’ils ont des inquiétudes, des incertitudes ou des doutes.

Mais comment y parvenir ?

Accepter l’erreur

Tout d’abord, il faut prêcher par l’exemple et accepter que soi-même on peut se tromper.

Cela nécessite un certain courage, une capacité à relativiser, à prendre du recul et mettre notre égo de côté afin de se dire que si c’est arrivé alors c’est une opportunité pour mieux faire. Pour y parvenir, il faut changer sa vision de soi-même : Ne pas se voir comme un expert, mais comme un éternel apprenant. Car être l’expert d’un processus imparfait ne fera que du tort, en revanche un éternel apprenant peut toujours s’améliorer et apprendre de ce qui est arrivé.

Ensuite, la culture de l’organisation doit permettre de nourrir une approche basée sur l’expérimentation. L’idée est d’accorder le droit aux équipes de commettre des erreurs en installant un climat de confiance.

Pour ce faire, l’organisation a besoin de leaders qui endossent le rôle de facilitateur et non celui de contrôleur. Ce dernier peut alors accueillir les erreurs dans la bienveillance (aucun blâme ou remontrance), crée un environnement sécuritaire avec assez d’espace pour s’exprimer et où les gens oseront prendre des initiatives. Parallèlement, il évite de fixer des objectifs de performance à ses employés, ce qui génère du stress et décourage l’expérimentation.

Le courage

Avec l’apprentissage en double boucle, vous défiez le système existant d’une organisation. Les règles, les croyances, les structures, les normes, les procédures et les rôles en place depuis des années au sein d’une organisation sont remis en question et reconsidérés. Cela impacte non seulement les équipes mais toute l’organisation.

Il faut donc du courage pour remettre en question le système existant, remettre en cause le statu quo et faire des propositions d’adaptation.

Quid du Scrum Master ?

Le cadre SCRUM donne la possibilité aux équipes, grâce à ses 3 piliers qui sont la Transparence, l’Inspection _et _l’Adaptation, de commettre des erreurs et de s’adapter et favorise par conséquent l’expérimentation et la prise de risque. Le Scrum Master quant à lui, qui s’engage à respecter les valeurs et les pratiques Scrum, coacher et accompagner l’équipe dans cette dynamique d’amélioration continue, joue un rôle clé dans le fait de rendre l’apprentissage en double boucle possible.

En effet c’est au Scrum Master d’aider à éliminer les obstacles dans l’environnement de l’équipe Scrum. Comme ces derniers entravent l’empirisme et l’agilité, l’idée est de promouvoir la transparence et d’échanger autour des obstacles qui comptent. Ainsi l’équipe en prend conscience et peut travailler ensemble pour résoudre le problème.

Il peut encourager le partage d’idées et inciter son équipe à prendre des risques en discutant avec ses membres et en recueillant leurs idées créatives et novatrices.

Aussi, lors de certaines instances clés telles que la Rétrospective de Sprint, ou bien au moment idéal, dans le bon environnement et avec les bonnes personnes, il peut questionner. En effet, une bonne question, une question “puissante”, peut ouvrir la conversation et finalement conduire un changement au sein de l’organisation.

On pourrait imager des questions puissantes du type :

  • « Quel est le sujet que nous n’abordons pas actuellement au sein de notre organisation, mais que nous devrions absolument aborder ? »
  • « Quelle est la croyance ou l’hypothèse ayant façonné/guidé votre parcours professionnel que vous commencez à remettre en question aujourd’hui ? »
  • « Que doit-il se passer pour faire de cette équipe la meilleure équipe de tous les temps ? »
  • « De qui recevez-vous le meilleur et le plus précieux soutien, en dehors de notre équipe ? »
  • « Si vous pouviez recommencer à zéro avec cette équipe, qu’est-ce que vous feriez différemment ? »

Conclusion

Même si la valeur de l’apprentissage en double boucle est clairement démontrée, il est également vrai que ce type de méthode est difficile à mettre en pratique.

Il faut noter que l’adoption d’un nouveau comportement dans une équipe prendra plusieurs itérations. Ainsi pour le faciliter, nous devons réunir des conditions spéciales au sein de l’équipe et créer un environnement sûr pour accepter l’échec et l’apprentissage afin d’éviter de répéter les anciens comportements.

Car au bout du compte, c’est toute l’équipe qui apprend ensemble et qui en tire des bénéfices.

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